dimanche 29 juin 2008

Temps compté

Le temps nous est compté. Comme la première est toujours un jeudi soir, la date du 24 juillet s'imposait. C'est donc trois jours de moins de répétitions que pour Eté 1915. Les gens sont souvent surpris quand je leur dis que nous n'avons pas encore commencé les répétitions. Certes, il y a eu des lectures, en petit puis en grand comité, une assemblée dominicale en juin sur le site, mais l'essentiel du travail reste à faire. Chaque jour va compter, et les quinze premiers jours sont fondamentaux : les répétitions seront des répétitions de recherche où l'on pourra essayer plusieurs propositions, inventer, tester. Ensuite, il sera trop tard, on ne pourra modifier que des détails, le temps du filage sera venu. Il faudra coudre toutes ces scènes répétées souvent séparément, trouver l'articulation, le rythme général, gagner sans cesse en fluidité. Il est bon, en tout cas, que chacun soit bien conscient de ce temps restreint qui nous est alloué. Pour autant, il ne faut pas travailler dans la précipitation. Simplement utiliser pleinement le temps imparti.

Signe de l'imminence de l'ouvrage : mon attention plus vive à la météo. Le bulletin télé ce soir écouté religieusement. Une alerte orageuse en milieu de semaine et je m'inquiète déjà pour la répétition de la scène d'auberge, mais en gros, la semaine s'annonce sous de bons auspices.


A propos de la bagarre d'auberge, j'ai commencé à visionner Mandrin. Mais la seule bagarre d'estaminet que j'y ai vue ne m'a pas apporté grand chose : cela se résumait à quelques plans assez serrés, quelques bonhommes roulant sur les tables, visiblement on n'avait pas les moyens de faire beaucoup mieux. On était loin des chorégraphies des films asiatiques...

Mandrin est un autre héros de la liberté, et il est significatif qu'à l'époque du tournage, en 1971, l'ORTF ait choisi de le tourner non pas en Dauphiné, sur les lieux de l'histoire, mais en Yougoslavie. En effet, le Dauphiné, nous dit-on sur le site de Mandrin.org "connaissait alors des violentes manifestations paysannes et l'ORTF craignait que le tournage de cette révolte contre les excès de la fiscalité n'exacerbe plus encore les passions."



Découvrez Various!

vendredi 27 juin 2008

De Vesoul à Mandrin


Rassurez-vous, le contact a été rétabli avec les costumières. J'ai parlé avec Suzanne ce soir. Nos deux artistes du tissu sont à Vesoul, s'activant comme de juste sur les costumes. Je suis satisfait, après deux étés de vaches maigres, de pouvoir à nouveau compter sur des personnes alliant imagination et savoir-faire, pragmatisme et sens esthétique.
Sinon, je suis passé par la médiathèque rendre 3 CD et en emprunter quatre autres (la bande-son établie l'autre jour me semble valable, mais je ne désespère pas de découvrir le morceau qui tue) : donc il s'agit de la Fantazia de John Jenkins (1592-1678), des Chansons nouvelles et Danceries de Pierre Attaingnant (1494-1552), d'un album des Sacqueboutiers, El Fuego, et enfin d'un livre-disque La Ruta de Oriente de Francisco Javier (1506-1553) par l'Hespèrion XXI de Jordi Savall. Tout ça pris au pif ou à peu près. On verra bien.
Et puis j'ai extirpé de l'oubli deux cassettes vidéo de Mandrin ( le Robin des Bois français), un feuilleton télé de l'année 1971. Avec l'intention surtout d'y visionner les bagarres (il y a une grosse bagarre d'auberge dans Robin des Bois).
Et ce soir, pour terminer, une bonne séance de travail jusqu'à minuit avec Gisbourne/Baskerville/Dabade.




Découvrez Jacques Brel!

jeudi 26 juin 2008

Parc à cochons et répondeurs


F. me laisse un message pour savoir où il faut installer le parc à cochons. Je le rappelle aussitôt. Répondeur : la vérité c'est que je ne sais pas trop, peut-être en haut du pré, près de la chapelle. Je n'y ai pas trop réfléchi en fait. J'ai réfléchi, je pense, à beaucoup de choses, mais pas à celle-ci ; et c'est souvent ainsi, on vous demande des précisions sur des aspects que vous n'avez pas approfondi, c'est votre faute et il faut répondre, souvent dans l'instant. Parfois on se trompe. Inévitablement. Mais il faut répondre, on est là pour ça.
J'ai acheté mon premier téléphone mobile en 2000, pour le théâtre, pour Vidocq, chez Bouygues, pas par gaîté de coeur mais parce que c'était le seul qui passait dans le château. Sans le théâtre, j'eusse continué de vivre sans ce fil à la patte. Mais aujourd'hui, il faut reconnaître qu'il est indispensable, en tout cas pour moi, pour cette aventure-là. On pouvait s'en passer autrefois, à la belle époque où l'on avait tout le monde ou presque sous la main, au village, à portée de voix ou de vélo. Chacun est dispersé maintenant, dans le temps et dans l'espace. Pour organiser la première répétition, combien de coups de fil ?
J'appelle M. pour avoir les numéros de M' et F' qui ne sont pas dans l'annuaire ou sur Internet. Répondeur. Message. M. me rappelle, me donne les numéros : deux mobiles. J'appelle F', conviens du lieu et de la date. J'appelle M' : le numéro n'existe pas. Je rappelle M. Répondeur : message. M me rappelle, me donne le bon numéro. Je rappelle M'. Répondeur. Message. Entre temps, j'appelle H pour le prévenir du lieu et de l'endroit, en lui précisant que cela est encore subordonné à la disponibilité de M' qui n'a pas encore eu le planning et que je n'ai pas encore eu au bout du fil. Ce sera chose faite dans la soirée et, ouf ! elle est libre pour lundi 30.
Voilà, c'est ça aussi la réalité du travail, ce temps passé sur nos engins communicants. Impossible d'aller contre, même pour moi qui, au fond, n'aime guère téléphoner, et qui préfère la communication asynchrone, la lettre, le courriel, le billet de blog, qui laisse le temps du recul, de la pensée. Mais je dois moi-même bousculer, être intrusif, et me résoudre à l'être aussi régulièrement.
Tiens, par exemple, j'aimerais bien être dérangé par Suzanne et Carole, nos deux jeunes costumières. Je suis sans nouvelles depuis plusieurs jours et cela m'inquiète.

Le recours aux forêts


Pour la première page du programme, qui présente toujours un grand portrait et une citation, j'hésitais jusqu'ici entre Dumas et Walter Scott. J'ai depuis écarté Dumas pour cause de plagiat caractérisé. Restait Scott. Mais je n'étais pas franchement emballé non plus : dans son oeuvre, Robin Hood n'est tout de même qu'anecdotique. Et puis hier, illumination, ce qu'il me fallait c'est Ernst Jünger, le grand écrivain allemand mort en 1998 à l'âge de 102 ans. Pourquoi Jünger ? Eh bien parce qu'il est l'auteur d'un petit Traité du Rebelle particulièrement brillant et lumineux, ainsi décrit par le site Le recours aux forêts.

"Dans Le traité du Rebelle ou le recours aux forêts Ernst Jünger dessine une nouvelle de ses figures. Le mot "Waldgänger" désigne le proscrit islandais du Haut Moyen Age scandinave qui se réfugiait dans les forêts. Exclu de la communauté, ce réprouvé pouvait être abattu par tout homme qui le croisait. Pour sa part, Jünger définit le Rebelle de la manière suivante : " Nous appelons ainsi celui qui, isolé et privé de sa patrie par la marche de l’univers, se voit enfin livré au néant. Tel pourrait être le destin d’un grand nombre d’hommes, et même de tous - il faut donc qu’un caractère s’y ajoute. C’est que le Rebelle est résolu à la résistance et forme le dessein d’engager la lutte, fût-elle sans espoir. Est Rebelle, par conséquent, quiconque est mis par la loi de sa nature en rapport avec la liberté, relation qui l’entraîne dans le temps à une révolte contre l’automatisme et à un refus d’en admettre la conséquence éthique, le fatalisme. A le prendre ainsi, nous serons aussitôt frappés par la place que tient le recours aux forêts, et dans la pensée, et dans la réalité de nos ans"."

Je cherche donc le petit livre, que je possède en poche depuis de longues années, livre que j'ai lu plusieurs fois déjà, mais impossible de remettre la main dessus. Et je doute fort de l'avoir prêté. Comment ça, ma bibliothèque est peut-être mal rangée ?

mardi 24 juin 2008

Une part d'informulé

Lecture du jour :

"(...) La visée du travail, c’est qu’à un moment, l’acteur joue. Et être en état de jeu, c’est arriver à faire passer des choses de l’ordre de l’inconscient.
Si l’acteur, dans ce qu’on appelle l’intuition de jeu, n’est pas en lien avec son inconscient, s’il n’y a pas des choses qui lui échappent, il ne se passe rien, il n’y a pas de jeu, pas d’acteur. Donc, quand on fait du théâtre, on est tous réunis, y compris quand on réfléchit beaucoup, pour que s’établisse un lien entre ce qui relève de la réflexion consciente et
collective, et ce qui vient de l’inconscient des uns et des autres.

La création théâtrale a obligatoirement une dimension consciente, du fait qu’on travaille en équipe. Il faut bien, à un moment, trouver un langage commun, explicite, rationnel, que tout le monde comprend, et formuler les choses, expliquer. Une compréhension commune est nécessaire entre des gens très différents : une dramaturge comme moi a l’habitude de manier des concepts, d’autres membres de l’équipe ont une pratique artistique mais pas intellectuelle. Mais d’autre part, tous ceux qui travaillent ensemble sur un projet de théâtre peuvent être considérés comme des gens qui mettent leur inconscient ensemble, dans le non-explicite et le non-formulé. Dans le travail théâtral, il y a un versant de formulation, nécessaire, et une non-formulation tout aussi nécessaire, parce que la formulation, à certains moments, peut casser la production de choses plus implicites, plus inconscientes, plus obscures. Quand un acteur produit quelque chose sur un plateau, parfois il est important de le nommer et de dire ce qu’on a vu, et parfois il vaut mieux ne pas le nommer tout de suite, pour ne pas le figer ni créer sur lui un regard trop déterminé. De même, quand je travaille avec un metteur en scène, je peux me formuler des choses de son paysage fantasmatique, pour moi, parce que cela m’aide à travailler. Mais peut-être que si je les lui formule, cela va sembler très réducteur, et même désagréable, castrateur ou inhibant. Pour que le sens circule, il faut qu’il y ait une part d’informulé. Le travail a à voir avec le rêve, le jeu, l’association libre. On doit pouvoir dire
n’importe quoi ! On travaille dans un cadre, où les idées bizarres qui surviennent vont quand même avoir un rapport avec ce qu’on cherche en commun. C’est cela qui est très important. Pour moi, le modèle de tous les gens qui travaillent sur un spectacle, ce sont les acteurs. Ils sont dans un cadre où ils vont produire des choses un peu étranges, mais si ce sont de bons acteurs, qui ont une capacité de répondre sur le mode du jeu à des choses qui sont là, ce sera toujours dans le cadre.

Le texte lui-même entre dans ce processus. On convoque le texte pour ce qui s’y dit consciemment, explicitement, et pour ses soubassements, pour ce qui le traverse de manière moins explicite. C’est un peu absurde de parler d’inconscient du texte, mais on se met à l’écoute du texte, voire de l’auteur produisant son texte comme symptôme."

Entretien avec Anne-Françoise Benhamou (lire l'intégralité de l'entretien en cliquant sur le lien) in Cahiers philosophiques (Théâtre et philosophie, avril 2008)


lundi 23 juin 2008

La tour de fer

Appel de Sébastien. Autre lutin, préposé aux lumières. Questions diverses et une information de taille : la tour est montée. La grande tour de régie, que l'on voit ici sur une photo de 2006. Chaque jour maintenant, ou presque, un élément nouveau vient compléter le puzzle.

dimanche 22 juin 2008

Lutins solsticiaux

Samedi après-midi. Chaleur intense sur le Berry. Descendant à Aigurande, je fais un arrêt au château. Les petits se sont endormis et je descends donc seul arpenter les ruines. C'est comme de parcourir un théâtre désert avant la représentation, éprouver ce vide qui bientôt se meublera de présences, et qui pour l'instant n'est vibrant que des herbes qui s'agitent mollement sous la brise. Le lavoir étincelle au soleil solsticial. Je vois aussi que le plateau devant la Maison du Seigneur est installé, ainsi que celui de Gisbourne devant le mur de la chapelle. J'ai l'impression de vivre un de ces contes où le héros s'endort le soir accablé de soucis et se réveille au matin, effaré devant la toile merveilleuse qu'il n'aurait jamais pu tisser seul en une semaine de travail ininterrompu. C'est que des petites mains mutines, des génies de l'air, des lutins affables ont oeuvré sans relâche pendant la nuit. Mes lutins se nomment Bertrand et Francis.

Découvrez Ralph Towner!

samedi 21 juin 2008

Robin Hood and the rooster

Une des plus belles réussites de Disney, c'est bien le Robin Hood de 1973 (notre vénérée présidente n'était donc pas encore née). Animation de grande qualité, personnages ô combien attachants, subtile utilisation du mythe, entre fidélité et liberté vis-à-vis des épisodes consacrés (il n'y a qu'à voir comment est traité la rencontre de Robin et Petit-Jean sur la rivière : le combat qui les oppose traditionnellement est remplacé par un sympathique bain fortuit où la bonne humeur du film éclabousse littéralement). Mes enfants l'ont regardé je ne sais combien de fois et je ne sais pas combien de fois moi-même j'ai arrêté mes activités pour en suivre, ne serait-ce que quelques minutes, les péripéties joyeuses. C'est un peu (beaucoup) de cette alacrité que j'aimerais obtenir dans le Robin des Bois de cet été...
Voir la notice du Wikipedia anglais, plus complète que la notice française.


vendredi 20 juin 2008

Robin des Bois milliardaire

Actualité toujours de Robin des Bois : je découvre qu'un certain Carl Icahn, surnommé le "Robin des Bois milliardaire" se lance à l'assaut de Yahoo. Il devrait ce titre de gloire à la fréquence de ses raids anti-grands patrons. Cependant, je remarque que s'il attaque Jerry Yang, l'actuel patron de Yahoo, ce n'est pas pour redistribuer le pactole aux petits actionnaires, ou mieux aux employés de la firme, non bien évidemment, en fait c'est pour renégocier la vente de Yahoo à Microsoft, projet repoussé dernièrement par l'actuel conseil d'administration. Icahn ne s'en prend donc à un grand patron que pour mieux en mettre dans l'escarcelle d'un autre grand patron, en l'occurrence Bill, le shériff de l'internet.
L'animal a ouvert un blog la semaine dernière. Nos acteurs futurs bacheliers peuvent toujours en profiter pour perfectionner leur british. J'avoue n'y avoir jeté qu'un oeil distrait.



Toujours dans le web anglo-saxon, mais nettement plus sympa, le site Boldoutlaw qui renferme quantité d'informations sur Robin, ses amis, sa légende.

jeudi 19 juin 2008

Nottingham


Robin des Bois continue d'inspirer le cinéma. J'apprends aujourd'hui, par le Net, que Ridley Scott s'apprête à s'emparer du personnage, avec un film qui devrait se nommer Nottingham et sortir en France en 2009.
Le shériff serait joué par Russell Crowe, Marianne par Sienna Miller. On ignore encore qui incarnera Robin.

mercredi 18 juin 2008

Robin des Bois contre les pétroliers

Que Robin des Bois soit d'actualité est encore illustré aujourd'hui par cette nouvelle venue d'Italie : le patronat italien et les industriels du pétrole viennent en effet de se prononcer contre la taxe dite "Robin des Bois" annoncée par le ministre de l'Economie Giulio Tremonti.

"M. Tremonti doit dévoiler mercredi soir en conseil des ministres les modalités de sa taxe "Robin des Bois", en allusion au héros légendaire détrousseur des riches pour aider les pauvres, qui doit toucher les profits des groupes pétroliers présents en Italie. Le ministre avait annoncé son intention de taxer les pétroliers lors d'une réunion début juin avec ses homologues européens."
AFP / 18 juin 2008 13h22

Richard Greene, qui fut Robin Hood dans une série télévisée de la BBC de 1953 à 1960.
Un look bien éloigné de celui d' Erroll Flynn...
Pour en savoir plus, voir l'excellent dossier du site Krinein.

mardi 17 juin 2008

Lavoir

Reçu hier soir trois photos du lavoir en cours de construction par Bertrand et Francis. Belle réalisation. Bientôt ces lieux s'animeront du tapage des lavandières, du bruissement des draps dans l'eau claire (oui, bientôt elle sera claire, cette eau).

lundi 16 juin 2008

Bande-son


Hier soir, j'ai extrait les morceaux de musique que j'ai choisis pour la pièce. La bande-son est virtuellement créée. Ne reste plus qu'à graver, mais rien n'est encore définitivement arrêté. Une bonne surprise est toujours possible, peut-être demain entendrais-je une pièce musicale qui me deviendra immédiatement nécessaire et viendra prendre naturellement sa place dans le canevas sonore de Robin des Bois. Oui, cela est possible mais d'ores et déjà je suis plus tranquille d'avoir sous la main cette bande-son viable. Elle forme une unité d'atmosphère, même si elle est fortement contrastée, mêlant musique anciennes et moderne, musique sacrée et profane. Sa composition demeure secrète pour l'instant. C'est l'une de ces choses que je n'ai pas envie de dévoiler ici, et que je dévoilerai tard aux comédiens, lorsqu'ils auront déjà bien avancé dans le jeu.
Alors une seule indication : il y aura probablement un morceau de Purcell (honneur à la musique anglaise, cela s'imposait presque), mais ce ne sera pas celui-ci :

dimanche 15 juin 2008

Noms d'outlaws

A la fin de la pièce, Baskerville le dit clairement : le roi Richard, dit Richard Coeur de Lion, ne s'est jamais soucié d'apprendre la langue anglaise. Sa langue maternelle était le limousin, langue d'oc qui le fit, comme d'autres seigneurs par ailleurs ombrageux et cruels, troubadour et auteur de nombreux poèmes.

J'ai retrouvé sa trace aujourd'hui en lisant Un peu de bleu dans le paysage, de l'écrivain corrézien Pierre Bergounioux. Il y parle de la forêt, qui a supplanté les hommes sur les "plus mauvaises terres" de son pays natal : "Les résineux américains à révolution rapide, aux noms d'outlaws, Douglas, Banks, Lawson, ont conquis la lande, les Sitka aux aiguilles bleutées, blessantes, pris pied dans les tourbières, investi les vallons du playeau limousin. Quoi d'étonnant si la purge de la forêt mercenaire est confiée, aujourd'hui, à des migrants. (...) On use toujours d'un idiome barbare sur ces marges. C'est avec l'accent turc qu'on répond courtement, à votre salut, comme, il y a peu, c'était en patois d'oc, dans la parlure déchue qui servit aux troubadours du XIIe siècle à exalter les châtelaines à hennin de Ventadour et de Turenne, les chevauchées belliqueuses du roi Richard."

samedi 14 juin 2008

De Fairbanks à Baskerville

Robin Hood a beaucoup inspiré le cinéma. Le muet s'empare très vite du personnage avec Douglas Fairbanks, en 1922, dans Robin Hood de Allan Dwan.

Plus tard, avec le Technicolor de la Warner, s'impose Errol Flynn avec The adventure of Robin Hood de Michael Curtiz et William Keighley (1938). Son costume, son charme, son physique vont très profondément marquer notre perception du personnage. Le théâtre à côté fait pâle figure : sans doute a-t-il inspiré Ben Jonson (The Sad Sheperd, Le Berger Triste, 1641), mais qui connaît cette pièce ? C'est qu'il est bien difficile de rendre avec les moyens du théâtre les spectaculaires exploits du héros. C'était là une des difficultés que j'ai rencontrées dans l'écriture de la pièce. Il m'a semblé très vite que, de cette pénurie de moyens, je devais faire précisément la matière de l'oeuvre. Affirmer nettement la convention théâtrale, ne pas chercher à rivaliser dans les cascades et les effets spéciaux avec le cinéma. D'où mon idée de mettre la pièce en abîme, dès son ouverture, avec deux personnages qui n'ont a priori rien à voir avec le mythe. Paradoxe : ce sont deux personnages de cinéma. Baskerville et son élève, inspirés du film de Jean-Jacques Annaud, Le Nom de la Rose. L'ouverture du film m'était très présente à l'esprit : les deux hommes cheminant à cheval dans la campagne enneigée, et devisant librement de Dieu et du Diable.

Cinéma, oui, mais adapté d'une oeuvre littéraire, c'est-à-dire du roman éponyme d'Umberto Eco, qui lui-même, emprunte ce nom de Baskerville au grand Conan Doyle, père de Sherlock Holmes, dont on connaît le célèbre roman Le chien des Baskerville...

Aujourd'hui, dans Libération, on peut lire un article sur Lucien Jerphagnon, vieux philosophe et historien de 87 ans, qui vient de publier une étude sur Julien l'Apostat : "Ce croyant a toujours détesté les vérités inoxydables. «Les gens qui ont des certitudes sont sûrs de se coucher le soir aussi cons qu’ils se sont levés le matin», ironise Lucien Jerphagnon, qui aime à citer Guillaume de Baskerville, le héros du Nom de la rose, le roman médiéval d’Umberto Eco qu’il a lu et relu : «Le diable, c’est la foi sans sourire qui n’est jamais effleurée par le doute.» Rien de surprenant à son empathie pour l’empereur Julien malgré ses errements : «Son drame est ne pas avoir rencontré le Christ mais des chrétiens.»

jeudi 12 juin 2008

Ivanhoé

Comme d'habitude, je suis en charge d'une partie du programme, celui que l'on propose aux spectateurs qui franchissent le portail de la forteresse. Traditionnellement, en page 3, un grand portrait d'auteur voisine avec une citation. Pour Eté 1915, ce fut Alain-Fournier, dont un passage du Grand Meaulnes était repris dans la pièce. J'hésite encore pour cette année. J'ai pensé à Dumas, dont Le Prince des Voleurs (1872) et Robin Hood le proscrit (1873) développent la légende de Robin des Bois. Mais ces " deux livres, révèle Nicole Vougny, sont en fait une traduction du roman du Britannique Pierce Egan Robin Hood and Little John, or the merry men of Sherwood forest. Selon les différents bibliographes de Dumas, ce dernier s’est contenté de signer une traduction réalisée par sa collaboratrice – et maîtresse – Marie de Fernand, qui signait sous le nom de Victor Perceval. C’est elle, notamment, qui avait effectué la traduction d’Ivanhoé parue sous le nom de Dumas en 1862."
Dumas abandonné, je pense à Walter Scott, auteur précisément d'Ivanhoé, qui a fait connaître en France le personnage de Robin Hood (où il intervient comme personnage secondaire). On peut en lire le texte intégral dans Wikisource (où la traduction, soit dit en passant, est toujours attribuée à Dumas). Ivanhoé, représenté au château en 1966, dans le cadre du Festival du Livre Vivant, spectacle qui dépassait de très loin nos moyens actuels et qui est resté imprimé très profondément dans la mémoire cluisienne. Son histoire reste encore à écrire.

mercredi 11 juin 2008

A l'orée des sombres bois britanniques

" Ce serait un leurre de se figurer l'Angleterre du haut Moyen Age sous un manteau de forêts antiques, immémoriales, à feuilles caduques, seulement rompues par des landes en broussaille et des étendues précaires de champs de céréales et de pâturages. Lorsque Guillaume le Conquérant débarqua sur les côtes du Sussex, seuls quinze pour cent du territoire était encore occupé par la forêt. Selon Oliver Rackam, les Romains même, que Conrad et quelques autres imaginaient frissonnant de peur à l'orée des sombres bois britanniques, comme en Germanie et en Etrurie, n'auraient sans doute pas rencontré un pays uniformément dominé par la forêt. Des bois sauvages originaires il ne restait plus rien que, peut-être, une zone peu étendue, au coeur de la New Forest. Longtemps avant l'arrivée des Romains, les premières civilisations sédentaires, essentiellement celtes, avaient entrepris des défrichages massifs. Ensuite les exigences de la vie urbaine à la latine, plus raffinée, et notamment les besoins en eau chaude sous ces climats frais et brumeux, avaient accéléré le processus, que la fonte du fer sur feu de bois avait encore étendu et démultiplié."

Ce passage est extrait du livre de Simon Schama, paru aux éditions du Seuil en 1999, et traduit par Josée Kamoun : La Mémoire et le Paysage, c'est 700 pages étourdissantes d'érudition, accompagnées d'une iconographie somptueuse, et je n'aurais peut-être pas monté Robin des Bois si je n'avais pas lu cette étude, en 1999 justement, qui renouvelait totalement la vision que l'on pouvait avoir du concept même de paysage. Schama montrait avec bonheur combien notre perception du paysage était empreinte des récits, des mythes, des fortes images de l'imaginaire collectif. Devant un paysage, notre regard n'est jamais vierge, mais informé de toute la culture que nous avons absorbée par toutes nos fibres, dans laquelle nous avons baigné. Le mot même, paysage, n'apparaît pas avant le XVIème siècle, et c'est mot de "painctre", autrement dit d'un homme qui en fait une représentation. Qui n'apparaît d'ailleurs qu'avec les Flamands : avant eux, le paysage n'a pour ainsi dire aucune réalité, et s'il se montre, c'est pour servir d'allégorie, jamais pour lui-même, pour une certaine beauté intrinsèque qui nous semble aujourd'hui si naturelle à tous. Régis Debray, dans Vie et mort de l'image (1992), rappelle que Michel-Ange se serait ainsi moqué de "cette rustique superficialité septentrionale" : " Cette peinture n'est que chiffons, masures, verdures de champs, ombres d'arbres, et ponts, et rivières, qu'ils nomment paysages, avec maintes figures par-ci et par-là. Et tout cela, encore que pouvant passer pour bon aux yeux de certains, est fait en rélaité sans raison ni art, sans symétrie ni proportions, sans discernement, ni choix,ni aisance, en un mot sans aucune substance et sans nerf." "Le paysage, ajoute Debray, est une conversion, mais vers le bas, du texte à la terre, de l'immatériel aux solides, de la lumière divine à la lumière rasante (...)."

Et Robin dans tout ça ? Et bien c'est que le paysage où il est sensé prodiguer ses exploits n'est - Schama n'a de cesse de le démontrer - que la somme d'imaginaires nombreux, stratifiés par des siècles de lecteurs avides et d'écrivains retors. Le mythe a grandi en s'adaptant continûment à l'époque où il était reçu. Il n'y a pas de Robin des Bois canonique, de lettre intangible, de vérité immuable. La geste de Robin est encore à écrire. Liberté nous est donc donnée de le regarder avec nos propres yeux.

Brueghel (L'Hiver)

mardi 10 juin 2008

Charançons

Cette affiche n'a pas été choisie par le bureau du Manteau d'Arlequin, et il ne m'appartient pas de commenter cette décision, mais j'ai envie qu'elle soit visible ici. L'histoire d'une pièce c'est aussi celle de ses essais, de ses tentatives, fussent-elles avortées, abandonnées, dépassées.L'auteur en est un certain Gary, qui l'a dessinée par amitié, et a joué le jeu jusqu'au bout, ne voulant surtout pas que son nom soit cité lors de l'examen et du choix final. Il avait réalisé en 1998 l'affiche de La Fille du Capitaine (qu'il avait signé Toupolev, habile pseudonyme), et déjà à ce moment-là, il avait privilégié le format vertical, la bande, en héraldique le pal. La figure de Robin est emprunté, dixit l'auteur, à un valet de trèfle d'un jeu ancien.
Sur les deux côtés de cette bande centrale, on notera le motif répétitif - et à coup sûr insolite en héraldique - des insectes. Ce sont des charançons des blés. Le blé, le pognon, l'oseille... Un choix bien sûr pas innocent, pour une pièce où l'argent a quand même un rôle central...

lundi 9 juin 2008

Une vieille idée

Les marionnettes : une vieille idée ; j'y pensais déjà pour Vidocq, en 2000. En lisant ses Mémoires, j'y avais découvert un épisode truculent où il exerçait le métier de marionnettiste, fort brièvement il est vrai. Et puis les marionnettes cédèrent la place à la Commedia dell Arte, et je ne le regrette pas : le stage d'initiation avec Renaud Robert nous apprit beaucoup.

Cette année, avec Robin des Bois, je fais donc une nouvelle tentative. Je m'y colle personnellement, avec mon vieux complice Hervé. Nous avons suivi en février un stage de deux jours à Equinoxe, avec Pierre Blaise, du Théâtre sans toit. Passionnant, mais nous ne sommes pas bien sûr devenus en si peu de temps des experts. Il va nous falloir pas mal de travail cet été pour parvenir à un résultat pas trop déshonorant. Et puis il faut les fabriquer ces marionnettes. Cette tâche, Hervé l'a prise à coeur et il s'est lancé très tôt dans la confection de têtes.

Ce soir encore, je reçois un courriel sur l'avancement de la chose : " Pour les marionnettes, je continue je finirai par du Kraft. Le plus problématique à mon sens sera la peinture. Pour les yeux, il faut voir si l'on peint des yeux ou si j'utilise des clous de tapissier."

Un projet théâtral ne vaut que par les passions qu'il éveille. La fonction la plus importante du metteur en scène me semble bien de susciter et d'entretenir le désir. Il s'agit d'allumer des feux.


dimanche 8 juin 2008

Inquiets scrutateurs d'azur

Le montage d'une pièce de théâtre s'entoure toujours d'un certain secret. Il s'agit, dira-t-on, de préserver la magie. Il est des amis qui ne veulent rien savoir avant le spectacle final, qui affirment que la découverte de la cuisine antérieure des répétitions ôterait à leur plaisir. Souci légitime et je me garderai bien d'y contrevenir. Mais, en ce qui me concerne, c'est au contraire cette lente alchimie de la représentation qui m'a toujours fasciné, le travail au quotidien sur le texte, le jeu, la technique, la musique, la lumière... J'aime cette construction collective, les échanges, les approfondissements qu'elle nécessite.
Ce blog, si ce n'est pas la transcription fidèle et exhaustive des étapes de l'élaboration de Robin des Bois, c'est du moins la volonté de garder trace de quelques moments de celle-ci. Il restera toujours de l'intime et c'est heureux (il existe toujours des choses à garder par devers soi, pour préserver, protéger, parce que le jeu théâtral c'est parfois douloureux et qu'il ne s'agit pas de blesser, surtout pas), mais j'ai envie de rendre compte de certaines réflexions qui ne manqueront pas de surgir au fil des rendez-vous à la forteresse, des émotions aussi, comme de simples observations sur les êtres et les choses, les nuages qui nous font chaque jour inquiets scrutateurs d'azur ou les oiseaux furtifs criant dans la nuit.