dimanche 27 juillet 2008

Colin des Bois

Je briserai cet arc comme un rameau flétri ;
Les Dêvas m’ont promis la plus belle des femmes !
Il saisit l’arme d’or d’où jaillissent des flammes,
Et la tend d’un bras aguerri.

Et l’arc ploie et se brise avec un bruit terrible.
La foule se prosterne et tremble. Le Roi dit :
Puisse un jour Ravana, sept fois vil et maudit,
Tomber sous ta flèche invincible !

Leconte de Lisle (L'arc de Civa, Poèmes antiques)

Une famille d'origine basque, des ancêtres chasseurs de loups, cela prédisposait-il au rôle de Robin des Bois ? En tout cas, Colin d'Abadie, jeune homme de vingt ans, aura en trois semaines de répétitions beaucoup progressé dans la construction de ce personnage. C'est qu'il ne suffit pas d'un physique de jeune premier pour y être crédible. Il y faut une présence, un allant, un aplomb capable de renverser tous les obstacles. Au fil des jours, Colin a donné de la densité au personnage sans perdre en fraîcheur et en légèreté. Bien sûr, cela n'a pas toujours été sans mal, et certaines scènes ont posé d'épineux problèmes. On en trouve toujours une ou deux dans une pièce qui résistent à l'interprétation : on essaie, on tente, on cale, on doute, on s'y reprend vingt fois sans parvenir à être satisfait. Cependant, si par bonheur on se sort du labyrinthe, on y éprouve une grande satisfaction.

Dubitatif ?

Le fait est que, mis sous pression, Colin a plus souvent qu'autrefois rompu avec un certain flegme flirtant avec la nonchalance. Je n'étais pas mécontent (assez sournoisement, je dois l'avouer) de cette détermination que je voyais se dessiner sur le visage de l'ange. Une colère retenue, à fleur de peau, contre les donneurs de leçon que nous étions, nous les comédiens plus âgés et soi-disant plus chevronnés.
Le loustic a pris de l'assurance, et l'on s'est même disputés hier pour une histoire d'arc. La veille, une nouvelle fois, comme sur la générale, la flèche de la fin, l'unique flèche tirée par Robin dans le spectacle a failli ne pas partir. Ce qui sur le moment m'avait beaucoup irrité : je n'arrive pas à accepter qu'on ne soit pas complètement sûr de ses accessoires au moment de jouer. Or, il semblerait que la flèche donnée à tirer n'était pas la bonne, qu'il manquait une encoche. Enfin, elle est partie, mais nous avons eu peur.

Avec son frère Guy de Locksley (Adrien Dubost)

Hier, j'ai voulu régler ce problème, mais en essayant l'arc de Colin je l'ai brisé. C'était un arc qu'il avait taillé lui-même dans une verte branche de noisetier, donc pas très solide. Et qui lui servait surtout comme apparat dans la pièce. J'aurais dû être plus prudent, c'est vrai, mais Colin s'est emporté, malheureux bien sûr d'avoir perdu le fruit d'un labeur de deux heures. Il me reprocha ma brutalité et le manque d'égards vis-à-vis de son matériel tandis que je lui reprochai son dillettantisme. Et nous avons été, je crois, tous les deux assez tristes, ensuite, de cette petite altercation (qu'on se rassure, nous nous sommes très vite réconciliés).

Epilogue : grâce aux flèches prêtées par le club des archers du Luma (qui, chaque soir, convie les gens à une initiation gratuite près de l'auberge), la flèche tirée ce soir-là devant des tribunes combles est allée se perdre loin dans la nuit du donjon.



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